BARTO+BARTO à Nantes, le 9 juillet
Clotilde et Bernard Barto, médaillés d'honneur de l'Académie d'Architecture 2017, sont venus à la rencontre du public.
Samedi 8 juillet 2017-16h00
"Organisée par la Maison régionale de l’architecture des Pays de la Loire et les éditions Coiffard, Clotilde et Bernard Barto, de l’agence éponyme "Barto+Barto architectes", nous ont rejoints sur la passerelle piétonne Schoelcher qu’ils ont réalisée en 2001. Par cette chaude après-midi, à l‘ombre des frênes blancs de la rive nord du fleuve, en bordure de la place de la Petite Hollande, nous partageons la brise ligérienne et l’esprit du lieu. La Loire s’est invitée en convoquant, avec un coefficient de marée de 70, la topographie d’un territoire en mouvement, liant le flux des piétons traversant le fleuve à ses eaux sauvages argentées. La passerelle Schoelcher, calée dans le prolongement de l’une des deux transparences glissées par l’architecte Jean Nouvel entre les salles d’audiences du tribunal de Nantes nous invite au voyage. La masse "outrenoir", au-delà du noir dit Pierre Soulage, du palais de justice se révèle dans la ligne épurée de la passerelle, blanche et fragile. Fin trait d’horizon qui suit le marnage du fleuve, assurant le tirant d’air nécessaire à la navigation, elle prend vie tel un lent battement d’une ville à l’unisson d’une topographie ligérienne en mouvement. Ici commence l’estuaire.
La mémoire du lieu y est convoquée avec une intelligence rare. Située à mi-chemin entre trottoir urbain et machine fluviale, épure et repère architectural, la passerelle Schoelcher instaure un dialogue fragile avec ce qui fait l’histoire de Nantes, de son rapport au fleuve et de sa relation à l’île. Posant la question de ce qui peut faire projet, Clotilde et Bernard évoquent leur dernier ouvrage "l’échelle des marées", récit poétique sur le devenir de la place de la Petite Hollande et de l’île Feydeau. Ils convoquent par le trait puissant du croquis et l’écrit mesuré, ce que Julien Gracq a appelé "la forme d’une ville".
C’est à la librairie Coiffard que Marc Guillon, éditeur des éditions Coiffard, nous accueille à la suite de cette conversation publique. A 18h30, nous sortons de ce temple du livre. Dehors, rue de la Fosse, la foule est venue consommer les installations du Voyage à Nantes. Bernard renonce à la glace vanille de chez Débotté. Après de chaleureuses salutations, je les accompagne du regard. Cela fait plus de quinze années qu’ils ne sont pas revenus ensemble au cœur de Nantes. Je pense à cette fausse rumeur qui fait dire que Barto ne s’écrit pas avec un O. Signe que l’œuvre est là, lorsque le fantasme s’empare des créateurs au-delà de leurs productions.
Bernard a glissé son bras sur l’épaule fragile de Clotilde. Bravant le flux des flâneurs urbains, ils avancent dans la perspective de la rue de la Fosse, vers la place de la Petite Hollande. Au loin, cadrée par les immeubles, la silhouette du palais de justice et à ses pieds, la passerelle Schoelcher et la Loire, qu’ils vont traverser les attendent. Leur jeunesse est éclatante.
L'Echelle des marées
Nantes, éditions Coiffard, mars 2017.
Barto+Barto architectes
Clotilde, née à Nantes en 1948, Psychologue institutionnelle, Bernard, né à Nantes en 1937, artiste, diplômé des beaux-arts, se rencontrent en mars 68 et s’engagent ensemble dans une réflexion artistique sur l’intervention urbaine qui les conduit, ensemble, à faire métier d’architecte et à développer une série d’interventions remarquables.
Nantes est leur terrain d’exploration contemporaine sur l’architecture, l’urbanisme et l’art. Ils y initient des réalisations sensibles qui jouent avec l’histoire du lieu et les codes de l’architecture. Ils formalisent ce que Martin Steinmann a théorisé en 1991 dans son ouvrage référent "la forme forte, vers une architecture en deçà des signes", le fait qu’il existe un effet qui découle de ce qui est là, de la forme, et non d’une signification associée à la forme par une convention.
Clotilde et Bernard sont des architectes-plasticiens, nés à Nantes, et ayant pratiqué à Nantes. Ils sont aussi des enseignants qui se sont engagés pour l’un à l’ensa de Nantes puis à l’ensa de la Villette et pour l’autre à l’ensa de Malaquais, Chevaliers des arts et des lettres, médaillés d'honneur de l'Académie d'architecture en 2017, Bernard et Clotilde, nous invitent à une rencontre autour de leur dernier livre, " l’échelle des marées " écrit avec la complicité de Philippe Duboÿ, architecte et historien de l'art, ex-enseignant lui aussi à l’ensa de Nantes, puis à la Villette et grand spécialiste de l’architecte italien, Carlos Scarpa qui conçut entre autres le sophistiqué et magnifique jardin d’eau de la fondation Querini Stampalia au cœur de Venise en 1963.
C’est une rencontre rare, une rencontre entre leur pensée sensible et ceux qui pratiquent et vivent cette ville qui se retourne progressivement sur son fleuve. C’est une immersion dans la géographie poétique ligérienne, la géographie du mouvement, du milieu et des lieux qui font la ville.
Bernard et Clotilde Barto produisent avec une grande sensibilité, un regard neuf, sans a priori, une réelle maitrise de la forme et de la matière, quelques-unes des plus belles pièces contemporaines de l'architecture et de l'espace public, ici, à Nantes. Leur travail cherche à faire correspondre le récit à la matière. Par ce récit qui se révèle dans l’épaisseur des traits des croquis superposés invitant à la déambulation graphique et poétique, ils produisent un travail remarquable où l’architecture et l’art sont conviés dans ce qui fait l’essence de cette ville.
Dans " l’échelle des marées", carnet de croquis poétique, ils convoquent l’épaisseur urbaine, à la fois utopie et possibilité contemporaine et délivrent avec intensité, le récit d’amour à la ville.
Claude Puaud
Architecte
Président de la Maison régionale de l’architecture des Pays de la Loire